Dunn : En Louisiane, la création d’emplois est un élément essentiel pour le mouvement francophone

Il existe déjà des lois étatiques qui ont comme objectifs la mise en valeur et le renforcement des entreprises francophones en Louisiane. La prochaine étape est de les financer et de créer des postes.

Taalib Auguste (à droite), qui parle anglais, français et créole louisianais, est membre d’une équipe multilingue qui dirige des visites à la Plantation Laura à Vacherie. Taalib Auguste

Par Joseph Dunn

Ancien directeur du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), Joseph Dunn est directeur des relations publiques et du marketing à la Plantation Laura, à Vacherie, en Louisiane. 

À la Plantation Laura à Vacherie, en Louisiane, des touristes français, québécois et belges attendent le tour à 13h dans la boutique. Ce site historique créole, une ancienne plantation de canne à sucre, propose trois visites en français tous les jours : une le matin et deux l’après-midi. Lorsqu’il lui fut demandé si l’option de suivre un tour en langue française avait influé sur sa décision de visiter Laura, Guillaume, un Français, répondit, “Il est important d’avoir une visite en français pour comprendre cette histoire. En France, nous avons une certaine fantaisie par rapport à la Louisiane. La manière dont elle est présentée dans les publicités et à la télévision nous fait croire qu’on va entendre au moins quelques personnes parler français, mais nous sommes là depuis trois jours. Ici, c’est le premier endroit depuis notre arrivée où nous avons rencontré des locaux qui parlent français.” 

L’expérience de Guillaume n’est pas exceptionnelle. C’est la norme pour les touristes francophones qui séjournent en Louisiane. Géraldine, Québécoise, fut elle aussi en Louisiane récemment. En visitant des musées de renommée internationale à La Nouvelle-Orléans, elle fut étonnée par l’absence d’options d’interprétation multilingue. Les panneaux et bornes numériques sont uniquement en anglais. “En tant que Québécoise, je cherche automatiquement la touche qui me permettrait de lire les informations en français. Je suis vraiment surprise que les musées dans une ville avec une si riche histoire française et francophone ne prennent pas en considération que tous les visiteurs ne sont pas anglophones.” 

Composez le 8 pour continuer en français

Le service téléphonique de l’Hôtel Lord Elgin, situé à Ottawa au Canada, indique aux clients de “composez le 8 pour continuer en français.” Dans cette ville capitale d’une nation où l’anglais et le français sont tous les deux langues officielles, il est attendu que les services, particulièrement dans le secteur public et dans d’autres domaines essentiels, soient disponibles de manière équitable en français et en anglais. 

Un tel scénario pourrait exister en Louisiane grâce à des lois adoptées il y a plus d’une décennie. En 2010, l’Acte 679 de la législature louisianaise a recréé le Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL). Cette nouvelle loi habilitante confère des mandats spécifiques à l’agence, lui attribuant la supervision des initiatives étatiques en matière de développement économique et promotion touristique en français. De plus, cette législation fait appel au CODOFIL de créer un système d’identification et de certification des festivals, entreprises et autres organismes proposant des services en langue française. 

L’Acte 106, adopté lui aussi en 2010 et appelé “Le Programme louisianais des services en français,” confère au CODOFIL et au Département de la culture, des loisirs et du tourisme (DCRT) le mandat de recenser les fonctionnaires de l’État de Louisiane qui parlent français afin de : 

  • fournir en langue française des services gouvernementaux de l’État de Louisiane aux citoyens et aux visiteurs dans la mesure du possible

  • aider les citoyens louisianais francophones à comprendre et à obtenir des services étatiques afin de soutenir la durabilité de l’héritage culturel historique francophone

  • aider les francophones en visite en Louisiane et promouvoir donc l’accroissement touristique et davantage d’investissements provenant de pays francophones

Cette législation, inspirée d’une loi sur les services en français en vigueur Nouvelle-Écosse au Canada, oblige le département à “prévoir des insignes appropriés, tels qu’un macaron imprimé du mot “Bienvenue” ou “Bonjour,” afin de rendre visibles les employés qui accompagneront les clients francophones dans l’obtention et l’utilisation des services du département.” 

Malgré l’adoption de ces lois, ces mandats importants sont inconnus par la plupart du public louisianais et ils demeurent non-financés et donc sans personnel. 

Curieusement, étant donné la popularité des écoles d’immersion française et la notoriété dont elles bénéficient dans les médias locaux et internationaux, aucune passerelle n’a été créée dans le but de rendre le français “utile” ni sur le marché touristique en Louisiane ni dans d’autres secteurs professionnels. Une simple solution serait l’introduction d’une politique au niveau des gouvernements étatiques et locaux (particulièrement les bureaux de promotion touristique) qui exigerait le recrutement et embauche de francophones louisianais. 

Les emplois en français mènent au développement économique

À la Plantation Laura, deux employés à temps complet et huit employés à temps partiel assurent la gestion du site, le contenu sur les réseaux sociaux et les relations publiques, les recherches dans les archives, l’accueil des visiteurs, les visites et la vente de marchandises… le tout en français. Ces efforts misant sur le recrutement et la formation de personnel francophone, spécialement des jeunes Louisianais désireux de se servir de leurs capacités linguistiques dans un environnement professionnel, ainsi que le travail dédié au développement du marché touristique francophone, ont porté leurs fruits. En 2022, les touristes francophones représentaient 20 pour cent de la fréquentation annuelle du site. 

Le français est une ressource naturelle en Louisiane que nous devons simplement cultiver et développer. À Laura, nous proposons des tours en français et les touristes viennent pour cela. Ce n’est vraiment pas sorcier.

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